Table ronde sur la Chirurgie des hernies de l’aine

La pathologie herniaire de la région inguinale, est une affection fréquente. Dans le monde, elle représente la 2ème pathologie chirurgicale après la pathologie appendiculaire et constitue encore un défi pour le chirurgien. Depuis que Bassini a introduit sa technique en 1887, environ 80 procédés chirurgicaux ont été décrits dans la littérature. La multitude de ces techniques opératoires témoigne de la difficulté du choix du meilleur geste.

{{ Math.ceil(time['minutes']) }} min read / 0 Commentaires / 756 Vues / Publié le 2019-03-19

Table ronde sur la Chirurgie des hernies de l’aine

La pathologie herniaire de la région inguinale, est une affection fréquente. Dans le monde, elle représente la 2ème pathologie chirurgicale après la pathologie appendiculaire et constitue encore un défi pour le chirurgien. Depuis que Bassini a introduit sa technique en 1887, environ 80 procédés chirurgicaux ont été décrits dans la littérature.  La multitude de ces techniques opératoires témoigne de la difficulté du choix du meilleur geste.

En pratique, il existe 2 groupes de techniques, celles qui exercent une tension sur les tissus dites cures par raphie (pratiquement abandonnées)  et celles dénommées "tension-free" qui consistent à interposer des prothèses sans tension sur les tissus. Les procédés utilisant des plaques sont supérieurs aux autres techniques en termes de récidive et de douleur post opératoire.

Sous le contrôle des méta-analyses, le recours à un renfort prothétique s’est imposé de principe chez l’adulte, en démontrant un taux de récidives inférieur de 50% à celui des raphies  quel que soit la technique de pose ouverte ou laparoscopique.

Le marché des prothèses est devenu très riche nécessitant une classification de celles-ci que le chirurgien se doit de connaitre pour l’optimisation de son geste opératoire. La plaque peut être placée soit par voie classique soit par voie cœlioscopique. Les deux voies d'abord se valent en matière de récidive herniaire, mais la voie classique, dite "open" serait  supérieure à la voie laparoscopique en termes d'incidents per opératoires et de morbidité. La voie cœlioscopique donne moins de douleur post opératoire et une reprise plus rapide du travail.

La technique de Lichtenstein, introduite en 1984, est une technique reproductible et qui offre les meilleurs résultats en matière de récidive herniaire. Elle est actuellement considérée comme "le gold standard" parmi les cures par voie antérieure des hernies inguinales. Qu’en est-il en Algérie ? C’est ce que nous allons essayer

 

 Historique de la chirurgie des hernies de l’aine  Dr. Laribi

La pathologie des hernies de l’aine est connue depuis la haute antiquité, remontant à l’époque des pharaons, inscrite sur le papyrus médical de Ebers qui à coté de celui de Smith sont considérés comme les plus vieux documents médicaux au monde.

Le traitement des hernies de l’aine à cette époque se résumait  à la cautérisation au fer rouge de l’orifice herniaire et par voie de conséquence à la castration systématique.

A défaut des connaissances anatomiques, cet acte barbare a sévi jusqu’au XIIIème siècle, voir même fin du XVIIIème siècle avant la découverte de l’anesthésie et de l’asepsie.

Puis vint l’époque de la chirurgie moderne par le biais du maestro italien Eduardo Bassini en 1884, le père de la chirurgie des hernies de l’aine, une intervention réglée et révolutionnaire qui a été un standard pour toute une génération de chirurgien sur plus d’un siècle.

D’autres interventions ont connu le même succès comme celles de Mac Vay, Shouldice, Fruchaud, qui ne sont rien d’autre que des variantes du Bassini.

Les matériaux prothétiques ont fait leur apparition à partir des années 50, et ont inspiré plusieurs auteurs comme Nyhus, Rives, Stoppa et Lichtenchtein dont leurs techniques sont pratiquées à ce jour.

A partir des années 90, la coeliochirurgie classique voir robotique un peu plus tard ont démontré leur faisabilité dans plusieurs centres d’expert dont il faudra valider les résultats à long terme.

 

 La cure des hernies de l’aine par la technique du Shouldice  Pr. Ayadi

Selon le Pr. Ayadi de Annaba, la hernie inguinale est une maladie très courante qui affecte principalement les hommes jeunes et les hommes d'âge moyen, et sa réparation est l'opération la plus fréquente en chirurgie générale. La technique de Shouldice était la meilleure manière, en termes de récidive, pour soigner une hernie inguinale sans utiliser de prothèse. Cette intervention  consiste à remettre en tension  le fascia transversalis en l’abaissant à la bandelette iliopubienne puis à abaisser le tendon conjoint à la bandelette iliopubienne. Pour le Pr. Ayadi cette technique qu’il utilise depuis plusieurs  dizaines d’années recrée une paroi solide avec un taux faible de récidive.

 

L’apprentissage la chirurgie endoscopique des hernies. Pr. Chebbi

La chirurgie pariétale a pu profiter des avantages indéniables de la chirurgie laparoscopique depuis le  début des années quatre vingt dix. On reproduit les gestes décrits par Stoppa en renforçant la région inguino-crurale par une prothèse en position postérieure. Cependant, la technique chirurgicale endoscopique nécessite un haut niveau de dextérité manuelle. Ainsi, un apprentissage approprié s’est imposé. Les auteurs insistent sur le fait que cet enseignement spécifique repose sur trois principes. Le premier est représenté par le fait qu’on doit disposer d’un minimum de pré requis. En effet, on doit métriser les gestes de base de la chirurgie laparoscopique telle que la réalisation des nœuds. Par ailleurs, on ne peut pratiquer de la chirurgie sans connaitre l’anatomie  endoscopique de la région pelvienne. Le deuxième principe consiste à reconnaitre les principes généraux de la technique laparoscopique pariétale. On citera en exemple le fait qu’elle nécessite une anesthésie générale dans l’immense majorité des cas et que le positionnement du malade et de l’équipe chirurgicale représente une étape primordiale. A la fin les auteurs dénombrent les différents moyens disponibles pour assurer cet apprentissage dont le plus important est de créer une société savante dédiée à la promotion et à la diffusion de la chirurgie de la paroi abdominale.

Résultat de la technique de Lichtenstein  Dr. Attabi/Zeboudj  

 

 

Différents moyens de fixation des prothèses herniaires Pr. Chebbi

Le traitement laparoscopique des hernies inguinales impose une dissection large de l’espace pré péritonéal. Une large prothèse est positionnée dans cet espace. La réaction à corps étranger engendrée, rétracte et risque de faire déplacer cette prothèse. Sa fixation s’impose dans la majorité des cas afin de réduire les récidives. Les auteurs exposent par des séquences vidéo, les différentes modalités de fixation  disponibles. Il peut s’agir d’agrafes, de colle, de fil ou même de prothèses qui se fixent d’elles même. En fait, le choix de la modalité est multifactoriel. Durant la technique totalement extrapéritonéale (TEP) la prothèse peut ne pas être fixée. La fixation est plutôt obligatoire à chaque fois qu’il s’agisse d’une hernie directe. Les agrafes sont beaucoup plus pourvoyeuses de douleurs postopératoires notamment aigues. En fin, le cout de chaque procédé est certainement le critère le plus déterminant sous nos cieux.

 

Cure de hernie de l’aine par la technique TIPP.  Dr. Yahia Messaoud/Touati 

La voie trans-inguinale prépéritonéale (TIPP) avec une prothèse préformée à anneau mémoire semble être  une bonne alternative à la technique de Lichtenstein.

Plusieurs techniques utilisent une prothèse par voie antérieure pour traiter une hernie de l’aine. Un implant préformé accompagné d’un anneau à mémoire permet de faciliter la technique décrite par Rives qui place la prothèse dans l’espace prépéritonéal.

Le Dr. Yahia Messaoud du service de chirurgie A de l’hôpital miliaire d’Alger, mène une étude prospective unicentrique en vue d’évaluer les résultats en termes de récidive, de douleurs postopératoires.

A l’occasion du 7ème congrès de l’AACL, elle présente cette technique grâce à un film didactique. Pour l’oratrice, la  voie TIPP avec une prothèse préformée à anneau mémoire permet d’associer les avantages d’un abord antérieur à ceux d’un implant prépéritonéal. Les douleurs postopératoires sont atténuées grâce à la dissection limitée et à l’absence de fibrose de la plaque au contact des nerfs inguinaux et du cordon. L’anneau mémoire non résorbable permet de diminuer l’effet de chevauchement de la plaque et de réduire le nombre de points de fixation qui peuvent être la cause de douleurs postopératoires. Un autre avantage de la TIPP est qu’elle couvre l’orifice direct, indirect et fémoral. Cette technique à un faible taux de complication avec environ 2 à 3 % de récidive échographique et 5 % de douleur chronique. Cette technique est une bonne alternative à la technique de Lichtenstein.

 

 

 

 

 

 Hernie inguinale bilatérale Face à Face : double abord inguinal  (Pr. Meradji)  versus abord par laparotomie médiane (Stoppa). (Drs. Haddadi/:Touati)

Selon le Dr. Haddadi (HCA), les hernies inguinales bilatérales représentent 10 à 15 % de toutes les cures herniaires. Elles sont directes trois fois sur quatre. Certains experts les considèrent comme une entité nosologique à part entière. Très peu de publications lui ont été consacrées.

Une recherche bibliographique à la recherche d’études comparant les deux procédés (Intervention de Stoppa versus intervention de Lichtenstein)  a été  effectuée sur les moteurs de recherche suivants : Springer Link, Science Direct et Cochrane Data. En tenant compte des seuls études  randomisées avec une bonne méthodologie, il s’avère que la cure selon Stoppa est beaucoup moins chronophage comparée au Lichtenstein bilatéral. Ce dernier procédé lorsqu’il est réalisé sous anesthésie locale est moins douloureux que le Stoppa à J2 postopératoire, au-delà le score selon l’échelle visuelle analogue est identique.

A long terme, le Stoppa confère une meilleure qualité de vie que le Lichtenstein bilatéral, en utilisant le score « short-form » avec ses 36 items.

Le Dr. Haddadi conclue que le  procédé de Stoppa constitue un procédé élégant des cures des HIB. Il est indiqué lorsqu’il y’a une contre-indication à la coelioscopie, et dans les hernies volumineuses. Ses nombreux avantages et ses meilleurs résultats fonctionnels à long terme, le rend supérieur au Lichtenstein bilatéral avec un bon niveau de preuve (Grade A).

 

Traitement par prothèse dans les hernies de l'aine étranglées. Dr. Bounab /Azouaou

 

Le traitement en urgence des hernies étranglées dépend du temps viscéral (résection intestinale ou pas), du temps de réparation pariétale et des facteurs liés au malade. Les hernies étranglées représentent 18 %  urgences abdominales non traumatiques et environ 10% des hernies (Douéra 13%). C’est une pathologie grave, le risque de décès  avoisine les 5%. Habituellement on préconise une herniorraphie à cause du risque septique. La pose d’une prothèse pour ces hernies durant la garde pose toujours  problème. 

Sur une période de six ans (Janvier 2013/décembre  2017) , nous avons colligés 204 dossiers. 130  malades ont bénéficié d’une mise en place de prothèses  (60 %), au niveau du service de chirurgie générale du CHU Douéra.

Le sex-ratio était de 3 hommes pour 1 une femme. L’âge moyen était 57 ans (19-82 ans), le syndrome occlusif était présent dans 28% des cas. 70% des cas étaient des hernies de l’aine (46% des hernies inguinales, 14,5 % des hernies inguino-scrotales, et 11% hernies crurales), 20% des hernies ombilicales et 9 % des hernies de la ligne blanche.

Parmi ces malades, 74 malades ont bénéficié d’une cure selon la technique de  Lichtenstein, 21 malades ont bénéficié d’un  Rives, 25 de la mise en place  d’une prothèse en timbre de poste et 10 en prépéritonéale. Dans huit cas nous avons réalisé une  résection intestinale soit 3,9 %. Le taux de succès (absence de  récidive  à 2 ans) était de 97,8 %. La morbidité se résume à  cinq  sepsis  dont deux profond ; trois sepsis après résection et deux  sepsis sans résection. La mortalité était nulle.

La place de la prothèse en urgence n’est pas encore clairement établie. L’incidence de l’infection sur 200 000 cures de hernies de l’aine non compliquées par prothèse en France était de 1,4% avec antibioprophylaxie. A Douéra le sepsis représente 1,7 % des cas (prothèses en urgence et à froid).

La  mise en place des prothèses a connu un développement important dans la cure des hernies étranglées avec moins de  sepsis et de récidives par rapport aux raphies  simples. Si on s’intéresse à l’historique, on trouve sur une publication  de l’EMC de 2007 que l’usage des prothèses était à proscrire pour  le traitement des hernies étranglées en raison du risque septique sauf en cas de volumineuse hernie avec perte de substance où la plastie prothétique peut rendre service.

Mais une publication parue sur Interntional Journal of Surgery, on a conclu que la hernioplastie évite les récidives (même avec une résection intestinale) après inclusion de 163 malades. Plusieurs scores ont été proposé pour prédire l’infection et donc proposer ou non  une prothèse dans le cadre de l’urgence. Plusieurs études ont été faites pour évaluer le type de  prothèse. La prothèse avec  maille de polypropylène à larges pores mono filament était la plus  suggérée avec un champ opératoire propre ou contaminé.

Cette expérience nous permet de conclure que  qu’il y a une augmentation de la fréquence d’étranglement ces derniers temps, que la  pause d’une prothèse  dans le cadre de l’urgence doit trouver sa place dans l’arsenal thérapeutique quand les conditions sont réunies avec comme avantage  moins de sepsis et de récidives et surtout un retour plus rapide aux activités normales.

 

Cure laparoscopique d’une Hernie inguinale multi récidivée. Pr. Chebbi

 

La cure des hernies inguinales récidivées constituent l’une des indications de choix de la voie laparoscopique. A travers l’observation d’un malade opéré à trois reprises d’une même hernie inguinale, les auteurs illustrent bien l’avantage de l’abord laparoscopique lorsqu’il s’agit d’une récidive par voie antérieure. L’élément le plus déterminant dans ce choix est représenté par le risque important de lésion des nerfs de la région inguinale. Les chirurgies antérieures rendent la zone opératoire très fibreuse rendant les filets nerveux méconnaissables. L’abord laparoscopique et particulièrement l’abord trans-abdominal (TAPP), peut facilement éviter les blessures nerveuses en respectant simplement le principe de la dissection contre le péritoine lorsqu’on aborde le plan pré péritonéal.

 

La création de la société tunisienne de chirurgie pariétale  Pr. Chebbi

 

L’idée de la création de notre association découle de notre participation à la Première Conférence Mondiale de la Chirurgie Pariétale en 2015 à Milan. En effet, le Professeur Farouk SEBAI et moi-même étions invités comme étant membres de l’Afro-Middle East Hernia Society. C’est à ce moment là que je me suis aperçu de l’importance et de l’ampleur que prend la chirurgie pariétale. La THS a été alors créée officiellement en Mars 2016. Son rôle est de diffuser et promouvoir cette chirurgie. Notre action se résumait en la réalisation de réunions dans les hôpitaux régionaux, de congrès  nationaux aussi bien au nom de la THS et en commun avec les congrès des autres associations savantes tunisiennes et internationales.

 

Notre expérience est très fructifiante et nous vous invitons vivement à créer votre Algerian Hernia Society.

 

AUTEUR

Pr. ABID Larbi

Chirurgie générale, Chef de service de chirurgie à l'hôpital Bologhine, Alger

Association Algérienne des Chirurgiens Libéraux

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