Dermatose bulleuse de l’enfant avec une éosinophilie sanguine : quel diagnostic ?

H Sahel1, K Tebbakha2, F A Saari3, F Otsmane1

1-Service de dermatologie CHU Bab El Oued, 2-Service d’anatomo-pathologie, 3-Service de pédiatrie CHU Beni Messous

{{ Math.ceil(time['minutes']) }} min read / 0 Commentaires / 210 Vues / Publié le 2019-04-18
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  • Dermatose bulleuse de l’enfant avec une éosinophilie sanguine : quel diagnostic ?

Introduction :

Une éosinophilie sanguine peut être associée à de nombreuses dermatoses. Nous rapportons le cas d’un enfant avec une dermatose bulleuse associée à une éosinophilie sanguine posant un problème diagnostique.

 

Observation :

Patient âgé de 6ans, sans antécédents particuliers avait depuis 6mois des placards prurigineux oedémateux de la cuisse droite et la jambe gauche, évoluant dans un contexte fébrile. Les traitements reçus à titre ambulatoire à type d’antibiotiques locaux et généraux n’amélioraient pas ces lésions. Des placards infiltrés douloureux apparaissaient ensuite progressivement, au niveau de la région cervicale, associés à des lésions vésiculo- bulleuses à contenu parfois hémorragique sur les cuisses et les extrémités des deux membres, ainsi que des lésions pustuleuses du cuir chevelu. Le signe de Darier était négatif. L’examen somatique retrouvait des adénopathies sous mandibulaires droites d’allure inflammatoires. Bilan biologique notamment hépatique était sans particularités, NFS avec équilibre leucocytaire : anémie inflammatoire (Hb :10.6g/dl), hyperplaquettose (927000/μl), hyperleucocytose : GB :47.04× 103/ μl (5.2-12.4), éosinophilie persistante: PE (valeur absolue) :22.90× 103/ μl (0-0.8× 103/ μl),en pourcentage PE :48.7%(0-7), polynucléose neutrophile PN=13.81 × 103/ μl (1.9-8× 103/ μl), Frottis sanguin : absence de mastocytes circulants, PE :48% valeur absolue :14131 éléments/mm3, taux IgE totales =346.19 UI/mL (0-100), l’électrophorèse des protéines ; hypoalbuminémie (15.9g/L (30.5-48.9). Le medullogramme était sans particularités (pas de blastes ni de promyélocytes). La radiographie pulmonaire était sans anomalies, alors que l’échographie abdominale objectivait une hépatomégalie homogène avec des adenomegalies mésentériques d’allure inflammatoire. La biopsie cutanée était non spécifique notamment après coloration par le Giemsa et le bleu de toluidine afin d’objectiver les mastocytes. Un traitement à base de corticoïdes à 1/2mg/kg/j permettait une nette amélioration des lésions dés la première semaine. Avec un recul d’un mois, on note une guérison complète des lésions avec une normalisation du bilan hématologique hormis la persistance d’une anémie inflammatoire (Hb=9.6g/dl).

 

Discussion

Plusieurs dermatoses peuvent s’associer à la présence de PE dans les lésions d’une façon non spécifique (toxidermie, eczema, pemphigoide bulleuse…). D’autres plus rares, s’associent à une éosinophilie sanguine et un infiltrat éosinophilique tissulaire qui réalisent le point central de la pathologie.

Chez notre patient nous avons évoqué ces diagnostics :

1-la folliculite pustuleuse à éosinophile ou maladie d’Ofuji qui peut s’associer dans 26 à 86 % des cas à une éosinophilie sanguine mais pas à des lésions bulleuses.

2-un syndrome hyperéosinophilique dont les manifestations cutanées sont particulièrement polymorphes avec principalement un exanthème maculo-papuleux prurigineux et des poussées d’angioedème volontiers distales (ce qui n’est pas le cas de notre patient).

3-La mastocytose bulleuse : dans sa forme cutanée diffuse. Le signe de Darier est un élément clinique de diagnostic mais inconstant. L’éosinophilie sanguine peut se voir dans plus de 28% des cas. La biopsie cutanée permet de montrer après coloration spéciale au bleu de toluidine, une infiltration dermique par un grand nombre de mastocytes. Cependant, du fait de la dégranulation des mastocytes, ces derniers peuvent prendre l’aspect de macrophage et de fibroblastes et ne plus être visibles. Chez notre patient, un dosage du taux sérique de la tryptase et des médiateurs de l’histamine dans les urines ainsi que l’étude génétique à la recherche de la mutation recepteur C-KIT (non disponibles) auraient pu permettre de confirmer notre diagnostic.

4- Un syndrome de Wells bulleux : Dermatose inflammatoire récidivante rare, caractérisé par un polymorphisme lésionnel avec des papulo-vésicules, papulo-nodules, urticaire ou des plaques simulant une cellulite. La forme bulleuse est rare et les cas pédiatriques sont extrêmement rares. Elle s’associe dans 50% à une éosinophilie sanguine dont l’évolution suit celle des lésions. Le diagnostic est soutenu par des données histopathologiques évocatrices mais non spécifiques : oedème dermique, infiltrat inflammatoire dermique à éosinophiles et images « en flammèches » témoignant de la nécrobiose du tissu conjonctif par dégranulation éosinophile. Cet aspect évocateur n’est retrouvé que chez environ 50 % des cas. Chez notre patient, l’aspect clinique, l’éosinophilie sanguine et l’évolution des lésions sous traitement nous permettent de retenir ce diagnostic comme étant le plus probable.

 

Conclusion : Devant une dermatose vésiculo-bulleuse de l’enfant associée à une hyper éosinophilie sanguine il faut savoir évoquer le diagnostic du syndrome de Wells et recourir au traitement par les corticoïdes oraux.

 

Références

1-Mastocytosis in Children. Klaiber N, Kumar S, Irani AM. Curr Allergy Asthma Rep 2017 ;17(11):80.

2- Gilliam AE, Bruckner AL, Howard RM, Lee BP, Wu S, Frieden IJ. Bullous "Cellulitis" With Eosinophilia: Case Report and Review of Wells Syndrome in Childhood. Pediatrics 2005;116;149-155

3- Simon D, Wardlaw A, Rothenberg ME. Organ-specific eosinophilic disorders of the skin, lung, and gastrointestinal tract. J Allergy Clin Immunol 2010;126(1):3-13

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